Le Petit Guide du Yi-Jing, supplément d’été spécial de Psychologies Magazine, juillet-août 2011
Ce petit guide est une initiation à la technique du tirage des hexagrammes. Une version résumée bien sûr. Maud Kristen a écrit et illustré les 64 hexagrammes.
Vous pourrez retrouver ce guide sur le site dans la rubrique « Initiation à la divination » très prochainement.
Interview :
« Le Yi-king est un GPS cosmique »
Psychologies : Quand avez-vous découvert Le Livre des changements ?
M.K. :Assez jeune. J’avais 18 ou 19 ans… Très vite, j’ai été fascinée par sa pertinence. J’ai alors commencé à l’utiliser en tant qu’outil divinatoire. Je suis entrée dans une sorte de phase d’expérimentation, où je faisais au moins trois tirages par jour, en notant scrupuleusement ce qui était juste et ce qui ne l’était pas. Et cela a duré vingt ans ! J’ai donc pu procéder à des milliers de tirages et me faire ma propre idée de l’interprétation des hexagrammes, dont je finissais par connaître les textes par cœur…
Psychologies : Qu’est-ce qui vous a poussée à écrire votre propre livre ?
M.K. : Pendant toutes ces années, j’ai travaillé avec le « livre jaune » de Richard Wilhelm. Lorsque la traduction de Cyrille Javary et Pierre Faure est parue, j’ai constaté qu’elle permettait une compréhension plus profonde des hexagrammes tout en apportant une plus grande puissance de signification. Cela m’a donné envie de partager mon expérience. Je me suis donc référée à cette belle traduction et à mes centaines de pages de notes pour proposer un texte plus court, accessible à tous et facilement appropriable.
Psychologies : Vous parlez du Yi-king comme d’un outil divinatoire, une vision que ne partagent pas tous les auteurs…
M.K. : Oui, et c’est uniquement pour une question de « respectabilité intellectuelle » que certains évitent de parler de divination ou de voyance. Nous vivons dans une société où les capacités « psi » – comme la télépathie, la clairvoyance ou la précognition- sont interdites d’études dans les institutions scientifiques. Surtout en France, car dans d’autres pays comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas, certaines universités abritent une chaire de parapsychologie intégrée au département de psychologie. Pour le courant de pensée dominant, la divination n’est qu’une superstition. Par conséquent, pour se limiter au courant »bien-pensant » et respecter les règles dites « universitaires », certains dénient au Yi-king son aspect divinatoire, et cela en dépit du bon sens ; il suffit de retracer son historique pour constater qu’il a bien une nature prédictive. L’éminent sociologue Léon Vandermeersch, qui a été directeur à l’Ecole pratique des hautes études et que j’ai eu l’honneur de rencontrer, ne s’y est pas trompé : il a expliqué que l’écriture chinoisée s’est développée avec le Yi-king sous l’empire du « rationalisme divinatoire ».
Psychologies : Lorsque l’on parle de divination, cela remet en question le libre-arbitre…
M.K : Pour ce qui concerne la divination en général, et le Yi-king en particulier, j’aime utiliser une image : le GPS ! Lorsque, dans votre voiture, vous allumez votre GPS et que vous lui donnez votre destination, il vous indique immédiatement le meilleur itinéraire pour vous y rendre. Mais personne ne vous oblige à suivre les indications de votre appareil. Vous pouvez préférer ne pas prendre l’autoroute pour emprunter des chemins de traverse plus sympathiques, vous pouvez aussi prendre un raccourci que vous connaissez bien, faire un détour pour éviter un bouchon, commettre des excès de vitesse ou vous arrêter pour une pause… C’est vous, et vous seul, qui décidez de la façon dont vous utiliserez votre GPS. Avec le Yi-king, c’est la même chose : c’est vous, et vous seul, qui décidez de la façon dont vous menez votre vie.
Psychologies : Vous dites dans votre livre qu’il est possible de développer son « sixième sens » grâce au Yi-king. Qu’entendez-vous par là ?
M.K : L’intuition, bien sûr. Jung lui-même, en étudiant et en utilisant quotidiennement le Livre des Transformations, avait beaucoup travaillé sur l’intuition, qu’il avait définie comme l’une des quatre fonctions psychologiques fondamentales, indispensables à l’épanouissement de notre personnalité – les trois autres étant la sensation, le sentiment et la pensée. Il avait remarqué que la pratique régulière du Yi-king nous permet d’acquérir un certain état d’esprit, un calme intérieur, une ouverture, une connexion avec nous-même. Et même avec l’univers, ou tout au moins avec l’Unus mundus, « l’unité du monde » qu’il recherchait, notamment avec ses travaux sur la synchronicité. Pour ma part, je considère que le sixième sens est une capacité générique que tout le monde possède et eut développer. Et ici, je ne parle pas seulement de l’intuition, mais aussi de nos facultés de voyance ou de clairvoyance. C’est pourquoi, dans mon livre, je donne aussi un certain nombre d’exercices qui permettent de les travailler.
Psychologies : Comment aborder l’interprétation des hexagrammes ?
M.K. : C’est un vaste sujet. Jung disait que l’on peut interpréter la symbolique du Yi-king comme celle des rêves. Mais attention, il ne s’agit pas ici de faire des associations libres comme avec la méthode analytique freudienne, que Jung avait abandonnées parce qu’elles font perdre le sens initial du rêve. Il faut procéder par « amplification », c’est-à-dire s’en tenir à l’image évoquée, « coller à l’image », disait-il , et sentir comment elle résonne en soi. Lorsque vous travaillez uniquement sur votre ressenti, vous évitez de faire des projections, l’un des écueils des pratiques divinatoires. Mais plus vous pratiquez le Yi-king en notant vos résultats, pus vous devenez réceptif et savez faire la différence en projection mentale et le message. Lorsque j’ai rencontré Kuntrul Rinpoché, l’un des plus grands maîtres bouddhistes, à Dharamsala, il m’a expliqué que l’état de clairvoyance n ‘est pas « paranormal » : c’est l’état naturel de l’esprit quand il n’est pas pollué par le mental.